Numéro : 461
Date : 23 février 1993
Auteur : Quesnot, Christian
Titre : Note à l'attention de Monsieur le Président de la République. A/s Conseil restreint sur le Rwanda
Source : Présidence de la République (France)
Fonds d'archives : FM
Résumé : Dans cette note au Président Mitterrand, le général Quesnot et Dominique Pin annoncent que le FPR est sur le point d'obtenir une victoire politico-militaire au Rwanda. Ils proposent une intervention militaire forte en soutien à l'armée rwandaise, accompagnée d'une action diplomatique ferme.
Commentaire : Le général Quesnot, chef d'état-major particulier du président Mitterrand, lui annonce que le FPR est sur le point d'emporter une victoire « politico-militaire ». Pour l'empêcher, il lui propose plusieurs options dont le retrait ou l'intervention directe dans les combats. Après un retrait de nos troupes, estime-t-il, « le Président Habyarimana ne devrait pas pouvoir rester à la tête de l'Etat ». Par ce constat, le conseiller militaire de Mitterrand reconnaît que le régime d'Habyarimana ne tient que grâce à l'intervention des forces françaises. C'est ce qui se passe une nouvelle fois en février-mars 1993. Dans son analyse, le général Quesnot fait encore une fois l'amalgame entre les Tutsi et le FPR. Il est parfaitement informé du génocide en préparation du côté hutu, écrivant : « La victoire de l'ethnie tutsie qui dirige le FPR amènerait sans aucun doute un sursaut ethnique hutu dont les conséquences pourraient être dramatiques ». La stratégie de dissuasion par la force de frappe des machettes a eu en effet des conséquences dramatiques que connaissait le chef du PC Jupiter, outil de déclenchement à l'Élysée de la force nucléaire française.
Citation: PRÉSIDENCE :
DE LA
RÉPUBLIQUE
Paris, le 23 février 1993
Le General
Chef de l'Etat-Major Particulier
NOTE
à l'attention de Monsieur le Président de la République
(S/c de Monsieur le Secrétaire RAT
A/S — CONSEIL RESTREINT SUR LE RWANDA
Mercredi 24 Février 1993
Le Front Patriotique Rwandais (FPR), avec l'aide du
Président ougandais MUSEVENI, est sur le point d'obtenir une
victoire politico-militaire au RWANDA.
Un cessez-le-feu a été accepté officiellement tant
par le gouvernement rwandais que par le FPR mais sur le terrain
les combats continuent.
La victoire de l'ethnie tutsi qui dirige le FPR
amènerait sans aucun doute un sursaut ethnique hutu dont les
conséquences pourraient être dramatiques. Déjà dans les zones
occupées par les rebelles de nombreuses exécutions de civils
auraient été commises. Le RWANDA compte aujourd'hui près de
600.000 personnes déplacées à cause des combats.
Cependant, face à la détermination et à la puissance
du FPR soutenu par l'OUGANDA, notre stratégie indirecte d'appui
aux forces armées rwandaises n'apparaît plus suffisante. Cette
situation nous place devant des choix difficiles. |
OPTIONS :
I - Dans le domaine militaire 4 types d'action sont
envisageables :
1) - partir.
Après l'évacuation de nos ressortissants et le
retrait de nos troupes, le Président HABYARIMANA ne devrait pas
pouvoir rester à la tête de l'Etat. Notre départ serait
interprété comme l'échec de notre politique au RWANDA. On
pourrait assister à la constitution d'un axe tutsi KAMPALA -
KIGALI - BUJUMBURA.
2) - maintenir Le dispositif au niveau actuel et
attendre.
Cela permettrait de retarder l'évacuation de nos
ressortissants sous réserve que le FPR ne décide pas de
pénétrer militairement dans KIGALI.
C'est un choix qui maintient une certaine ambiguité
sur notre détermination, ambiguité qui peut paraître
temporairement souhaitable.
3) — intervenir fortement en soutien à l'armée
rwandaise.
Il s'agit de renverser le rapport de force en
accentuant notre aide à l'armée rwandaise par un apport
logistique puissant et une implication de conseillers et
d'artillerie à hauteur de notre détermination. Nous serions
présents et actifs dans les zones d'opérations, mais nous ne
participerions pas directement aux combats.
4) — intervenir fortement et directement avec nos
forces.
Ce choix, techniquement possible, ne peut être
envisagé que si NOUS avons des preuves irréfutables d'une
intervention militaire ougandaise directe, ce qui n'est pas le
cas actuellement.
II - Sur le plan diplomatique :
Notre action pourrait s'inscrire dans la continuité :
1) - Soutien au processus démocratique en cours et
relance des négociations d'Arusha.
La prise de conscience toute récente du Premier
Ministre et des hutus du Sud, des risques qu'ils courent à
soutenir le FPR pourrait être mise à profit pour rapprocher le
Chef de l'Etat et le Chef de Gouvernement. et les inciter à
collaborer jusqu'aux élections.
2) — Appui à l'action diplomatique rwandaise aux
Nations-Unies.
Le Gouvernement de KIGALI vient d'écrire au
Secrétaire Général des Nations-Unies pour lui demander le
déploiement d'observateurs le long de la frontière entre
l'OUGANDA et le RWANDA. Le Président MUSEVENT nous a donné son
accord sur ce point. Nous soutenons cette initiative.
Il serait utile également d'obtenir l'appui des
Présidents HOUPHOUET-BOIGNY, Abdou DIOUF et BONGO à notre
politique au RWANDA.
3) — Fermeté et réalisme vis-à-vis du Président
MUSEVENI en le laissant dans l'incertitude sur le rôle ultime
de nos forces. S'il donnait des gages concrets de bonne
volonté, une réunion quadripartite en marge d'Arusha pourrait,
comme il le souhaite, être envisagée (Ouganda, France, FPR,
Rwanda).
4) - Intervention auprès de l'O.U.A.
Après le cessez-le-feu les troupes du FPR doivent
revenir sur leurs lignes antérieures. Les zones évacuées
pourraient être contrôlées par les observateurs internationaux,
le Gouvernement rwandais étant d'accord pour ne pas les
réoccuper militairement.
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Nous restons partisans, sur le plan militaire, de la
solution 3 accompagnée d'une action diplomatique ferme.
Dominique PIN. Général QUESNOT
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