Page d'accueil
France Génocide Tutsi France Génocide Tutsi
Mise à jour :
2 août 2023 Anglais

Si les rebelles du FPR se méfient autant de l'opération Turquoise, c'est que la France n'a soutenu ces dernières années que le gouvernement en place

Fiche Numéro 31799

Numéro
31799
Auteur
Lucet, Élise
Auteur
Gringoire, Jean-François
Auteur
Ghesquière, Hervé
Date
23 juin 1994
Amj
19940623
Heure
19:30:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 19 heures 30
Titre
Si les rebelles du FPR se méfient autant de l'opération Turquoise, c'est que la France n'a soutenu ces dernières années que le gouvernement en place
Soustitre
Le lancement de l'opération Turquoise a également semé une certaine discorde au sein des organisations humanitaires.
Taille
27171 octets
Nb. pages
4
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Résumé
- C'est donc cette nuit, juste après l'autorisation de l'ONU, que l'opération Turquoise a débuté. Les premiers soldats français sont entrés au Rwanda en début d'après-midi. Le début de la mission consiste à venir en aide à des milliers de réfugiés à Cyangugu.
- Embarquement direction Bangui. C'était à Roissy ce matin : 200 soldats français sont partis rejoindre les autres troupes déployées au Zaïre via le Centrafrique. Même scénario à Istres cet après-midi : l'ultime mise en place de l'opération Turquoise entrée dans sa phase opérationnelle hier soir [22 juin].
- Tandis que des avions Jaguar se prépositionnaient sur l'aéroport zaïrois de Kisangani, des troupes étaient déployées sur deux têtes de pont à la frontière du Rwanda : Goma et Bukavu. Vers 15 heures, premières incursions au Rwanda. Objectif : Gisenyi et Cyangugu, deux villes où sont massés plusieurs milliers de réfugiés.
- Pour l'heure, il ne s'agirait que de petits détachements d'éclaireurs chargés de recenser les besoins humanitaires. De source militaire, ils sont accueillis très convenablement par les autorités et la population.
- Parallèlement, sur le front diplomatique, quelques pays se sont affirmés prêts à rejoindre la France dans son action. Après le Sénégal, la Guinée et l'Égypte pourraient apporter quelques bataillons en renfort aux 2 500 soldats français.
- Silvio Berlusconi a indiqué que l'Italie pourrait elle aussi envoyer des troupes mais à condition que tous les belligérants soient d'accord. On en est loin, le Front patriotique rwandais qui combat les forces gouvernementales, persiste à voir dans l'action française une véritable invasion.
- Effectivement le Front patriotique rwandais n'a pas changé d'avis : il considère cette opération comme une agression. Si les rebelles du FPR se méfient autant de la France, c'est que jusqu'à preuve du contraire elle n'a soutenu ces dernières années que le gouvernement en place. Un gouvernement contre lequel le FPR n'a cessé de se battre.
- Jacques Bihozagara, "représentant FPR Europe" : "Nous ne sommes pas prêts à accepter qu'ils viennent. Alors nous les prenons comme des agresseurs".
- À la recherche d'une reconnaissance internationale, le Front patriotique rwandais, qui contrôle actuellement plus de la moitié du pays, ne peut pas tenir un autre discours, précisant cependant qu'il n'ira pas chercher les soldats français là où ils sont.
- Mais c'est bien à Paris que ces hauts responsables tiennent ces propos menaçants envers la France au lendemain d'une rencontre avec Alain Juppé. Et apparemment l'incompréhension entre le FPR et les autorités françaises est loin d'être levée.
- Jacques Bihozagara dénonce l'activisme partisan de certains collaborateurs de François Mitterrand qui auraient empêché jusqu'ici le président de la République d'avoir une vue claire sur la situation au Rwanda. Et aujourd'hui, bien que ce soit leur souhait, rien n'autorise les chefs du FPR à espérer un changement significatif de l'attitude française à leur égard.
- Théogène Rudasingwa, "secrétaire général FPR" : "Le FPR n'est pas hostile à la France. Il y a beaucoup de gens en France qui sont opposés à l'intervention française. Nous avons espéré un changement positif de la politique française au Rwanda, jusqu'à là interventionniste. Mais cette intervention montre que rien ne change et que l'on fait même marche arrière".
- Méfiant, le FPR pense toujours que l'intervention vise plus à protéger les auteurs des massacres qu'à sauver des civils et que l'arrivée des soldats français sent décidément le piège.
- Et le lancement de l'opération Turquoise a semé une certaine discorde au sein des organisations humanitaires. Certaines d'entre elles, comme MSF, sont franchement pour l'intervention de la France. Elle n'imagine pas que l'on puisse laisser la population civile sans secours. D'autres sont plus réservées, comme l'AICF qui ne voudrait pas voir la France s'ingérer dans les affaires rwandaises.
- Les principales associations humanitaires françaises connaissent bien la situation au Rwanda et travaillent sur le terrain depuis de nombreux mois. Pourtant les avis sont partagés sur l'intervention militaire française.
- Dans les états-majors parisiens les propos sont dissonants. L'AICF, Action internationale contre la faim, résume le sentiment de nombreuses ONG : "Notre pays aurait mieux fait de s'abstenir". Nathalie Duhamel, "directeur général AICF" : "La France n'est pas, compte tenu de son passé avec le Rwanda, la mieux placée pour le faire. Quand on veut intervenir dans un but humanitaire, il faut quand même pouvoir avoir l'accord de toutes les parties. On peut s'inquiéter des dérives possibles de cette opération".
- En revanche, à Médecins sans frontières, aucune ambiguïté sur l'intervention française. Philippe Biberson, "président MSF" : "Nous sommes pour. Et il faut bien comprendre pourquoi : il y a depuis plus de 10 semaines au Rwanda, sous nos yeux, en direct, un génocide qui est en train de se perpétrer. Un génocide, ça veut dire que il y a un massacre planifié, organisé d'une population entière. Et devant ce constat il n'y a pas deux choses à faire, il faut l'arrêter".
- Enfin l'association Médecins du monde est beaucoup plus prudente et se veut nuancée. Michel Bruguière, "directeur général MDM" : "Je dirais que nous mettons deux préalables à l'intervention de la France : c'est que, un, elle reconnaisse sa responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui. Et que deuxièmement si elle s'engage à arrêter les bourreaux et à les juger".
- Les associations humanitaires se rejoignent au moins sur deux points : l'opération militaire est risquée et la France sera bien seule au Rwanda.