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September 7, 2025
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François Mitterrand : "Our intervention does not seem desired by anyone, even by those we want to save. No doubt they prefer that there are no witnesses to their victory"

Number: 155
Date: 22 juin 1994
Author: Bentégeat, Henri
Title: Conseil restreint
Source: Présidence de la République (France)
File name: ConseilRestreint22juin1994.pdf
Public records: FM
Abstract: Referring to the practical provisions of Operation Turquoise, President Mitterrand declares himself in favor of a brief intervention, in the style of a "punch", which must be both symbolic and real. And the President added: "Our intervention does not seem desired by anyone, even by those we want to save. No doubt they prefer that there are no witnesses to their victory".
Comment: This Restricted Council is held on the eve of the entry of the soldiers of Operation Turquoise into Rwanda. François Mitterrand would like a "brief ‘punch-style’" intervention. It is therefore a military operation in force and he asks if the RPF is "able to oppose it militarily". He has this terrible phrase: "Our intervention does not seem desired by anyone, even by those whom we want to save. No doubt they prefer that there are no witnesses to their victory. Thus he recognizes that this operation intended to save Tutsi could also contest the victory of the RPF. Admiral Lanxade, Chief of Staff, says: "We have very little information on the part taken by the RPF. The vacuum was made by the Tutsis". Also identifying the Tutsi with the enemy RPF, Mitterrand continues: "The Tutsis are going to establish a military dictatorship to impose themselves durably". And he concludes: "A dictatorship based on ten percent of the population will rule with new massacres". Lanxade exposes the connivance with the perpetrators of the genocide saying: "One of the problems is establishing technical contact with the F.A.R. maintaining reduced visibility". François Léotard, Minister of Defence, affirms that "the RPF is trying to completely take over Kigali and is making an effort on Butare and Kibuye. This announcement of an RPF offensive on Kibuye will prove to be false. It takes up the propaganda of the Rwandan interim government which assimilates to infiltrated RPF combatants the Tutsi survivors who are still resisting their killers in Bisesero, in the government zone. François Mitterrand flabbergasted by recalling that "we must not fail to denounce the genocide perpetrated by the Hutus". He attributes it to a fit of madness.
Citation: CONFIDENTIEL DEFENSE CONSEIL RESTREINT Mercredi 22 Juin 1994 SITUATION AU RWANDA Participaient à ce Conseil restreint, présidé par le Président de la République M. BALLADUR Premier ministre M. LEOTARD Ministre d'Etat, ministre de la Défense M. JUPPE Ministre des affaires étrangères M. ROUSSIN Ministre de la coopération PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE M. VEDRINE Secretaire général Général QUESNOT _ Chef de l'état-major particulier M. DELAYE Conseiller CABINET DU PREMIER MINISTRE M.BAZIRE Directeur du cabinet Chef du cabinet militaire SECRETARIAT GENERAL DE LA DEFENSE NATIONALE Général LERCHE Secrétaire général MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES M.DUFOURCQ Secrétaire général MINISTERE DE LA DEFENSE ‘ Amiral LANXADE Chef d'état—Major des armées Général MERCIER Chef du cabinet militaire SECRETARIAT GENERAL DU GOUVERNEMENT M.DENOIX DE SAINT MARC Secrétaire général SECRETARIAT Colonel BENTEGEAT Etat-major particulier R W A N D A PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Le problème rwandais a été longuement évoqué ce matin au Conseil des ministres. Je voudrais maintenant qu'on parle des dispositions pratiques. Le Premier ministre et moi-même ainsi que l'ensemble des ministres partageons la même analyse ; une intervention, oui mais brève, de style "coup de poing". Elle doit être à la fois symbolique et réelle. Notre intervention ne semble désirée par personne, même par ceux que nous voulons sauver. Sans doute préfèrent-ils qu'il n'y ait pas de témoins à leur victoire. Aussi, je ne veux pas risquer la vie de soldats français pour rien. L'intervention sera limitée dans le temps et l'espace. MINISTRE DE LA DEFENSE L'opération a débuté depuis 24 heures. Les éléments précurseurs sont aujourd'hui à Goma. Nos forces seront réparties sur trois sites, au Zaire, dont Bukavu et surtout Goma prés de la frontière rwandaise. Le volume des forces doit atteindre progressivement 2.500 hommes comme l'a proposé le Chef d'état-major des armées. Environ 1.500 viendront des forces prépositionnées et 1.000 de métropole. En ce qui concerne l'opération elle-même si j'en reçois instruction, nous serons en mesure de protéger dès demain le site à Cyangugu où 8.000 tutsis sont menacés. Nous attendrons ensuite des reconnaissances et des renseignements pour aller plus loin. Sur le terrain, le F.P.R. tente de s'emparer complètement de Kigali et fait effort sur Butare et Kibuye. Nous nous limiterons donc pour l'instant au premier site près de la frontière et ensuite nous pourrons envisager des opérations de va-et-vient pour sauver des populations, des enfants menacés. Je remarque que la MINUAR a réussi hier deux opérations d'échange entre réfugiés hutus et tutsis à Kigali. Nous verrons donc après s'il faut aller au-delà du premier objectif et avec quels moyens. Je souhaite que nous n'occupions pas durablement une partie du territoire rwandais. Je ne crains pas tant les risques militaires qu'une nouvelle campagne politique contre notre intervention. Si donc, l'instruction en est donnée, nous aurons 600 hommes au Zaire ce soir, 1.200 demain et 2.300 le 25 au soir avec 500 véhicules et 40 avions. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Ces dispositions sont sans doute connues du F.P.R. Sont-ils en mesure de s'y opposer militairement sur le terrain ? MINISTRE DE LA DEFENSE Non, pas dans l'immédiat. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Ces tutsis ont un commandant militaire intelligent et ferme. Comment se fait-il qu'à trois reprises, il y a un an et deux ans, la seule présence d'une compagnie française ait pu les dissuader de continuer ? Elle représentait, certes, une armée forte et disciplinée mais comment pouvait—elle faire impression à ce point ? CHEF D'ETAT—MAJOR DES ARMEES Cette présence française était liée à un dispositif de coopération militaire. Les F.A.R. étaient rassurées par la présence française et les conseils de nos coopérants leur donnaient la capacité et la volonté de contenir le F.P.R. La question que je me pose aujourd'hui est la suivante : le front va-t—il s'effondrer ? Nous avons très peu d'informations sur la partie prise par le F.P.R.. Le vide a été fait par les Tutsis. Si le front s'effondre, on va se retrouver en zone F.A.R. avec plusieurs millions de personnes fuyant vers le Zaire. Nous aurons un phénomène identique à celui des Kurdes quand les Irakiens sont entrés dans le nord, avec des millions de réfugiés. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Les Tutsis vont instaurer une dictature militaire pour s'imposer durablement. PREMIER MINISTRE Ce n'est pas cela qui les arrêtera. CHEF D'ETAT—MAJOR DES ARMEES Il y a la même situation au Burundi. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Une dictature reposant sur dix pour cent de la population gouvernera avec de nouveaux massacres. Sur l'opération elle-même, pouvez—vous nous donner quelques informations complémentaires ? CHEF D'ETAT-MAJOR DES ARMEES Nous poursuivons notre déploiement sur les bases au Zaïre et nous pourrons lancer demain des opérations coup de poing vers Cyangugu, si la résolution est votée à l'O.N.U. PREMIER MINISTRE Nous n’avons aucun espoir de ramener au Zaïre les 8.000 tutsis de la zone ? CONFIDENTIEL DEFENSE CHEF D'ETAT—MAJOR DES ARMEES Il faudra voir sur place. Un des problèmes est l'établissement d'un contact technique avec les F.A.R. en gardant une visibilité réduite. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE C'est une mauvaise affaire. Il y a huit jours tout le monde voulait qu'on intervienne tout de suite. Maintenant, c’est l'inverse. La propagande du F.P.R. à Bruxelles est très efficace et la naïveté des diplomates et des journalistes est déconcertante. MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES Je me pose deux questions. D'abord, que fait-on des tutsis menacés ? Soit nous les réinstallons au Zaïre, soit nous les maintenons sur place. Il faut voir cela dans la perspective de notre départ fin juillet. Ensuite, sur le plan médiatique, si nous réussissons on saluera notre courage mais si, dans une deuxième phase, cela s'aggrave après notre retrait, nous serons accusés. Il faut donc que tout le monde comprenne qu'il s'agit d'une opération de sauvetage. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Ne pourrait—on pas éventuellement ramener les tutsis menacés en zone F.P.R. ? CHEF D'ETAT-MAJOR DES ARMEES Ce n'est pas impensable si nous avons l'accord du F.P.R. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Il ne faut pas manquer de dénoncer le génocide perpétré par les Hutus. La folie s'est emparée d'eux après l'assassinat du Président Habyarimana. MINISTRE DE LA COOPERATION J'ai une question, monsieur le Président. Dois-je continuer à essayer de convaincre nos partenaires africains de participer à l'opération ? Je vais au Niger ou je peux demander un contingent symbolique. PREMIER MINISTRE J'y suis très favorable. PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE Oui, bien sûr. Monsieur le ministre de la Défense, Amiral, je veux être tenu informé en permanence. Je vous remercie.

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