Résumé
Trois ans après la fin du génocide de 1994, qui a vu l'extermination en trois mois de plus de 800 000 Tutsi au Rwanda, Yolande Mukagasana publie en France La mort ne veut pas de moi (1997). Il faut toutefois attendre la dixième commémoration pour qu'un florilège de témoignages soit publié. À partir de cette date, de nombreux survivant·es tutsi ont publié leurs récits auprès d'éditeurs français et francophones. Parmi les plus influents, ceux écrits par Esther Mujawayo (2004 ; 2006), Annick Kayitesi (2004) ou par Élise Musomandera (2014). Leurs témoignages attestent autant de ce qu'elles ont vécu en 1994 que de la difficile gestion à long terme de leurs traumas, tout comme de leurs revendications et désir de justice. La majorité de ces textes sont le fait de femmes avec quelques exceptions notables, dont les témoignages de Vénuste Kayimahe (2002) et surtout de Révérien Rurangwa qui intitule son récit par ce néologisme cinglant et symptomatique : Génocidé (2006). L'un des principaux défis, pour ces auteur·es, réside dans l'avènement de leur prise de parole à l'ère de la réconciliation nationale et de la mise en vigueur d'une justice transitionnelle qui exige des compromis, des formes d'autocensure et des sacrifices d'une violence psychique inouïe.