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Mise à jour :
21 août 2025 Anglais

Les militaires français au Rwanda ne savent plus quoi faire, l'humanitaire fait cruellement défaut

Fiche Numéro 35319

Numéro
35319
Auteur
Masure, Bruno
Auteur
Lerner, Olivier
Auteur
Duquesne, Benoît
Auteur
Grandidier, Jean-Pierre
Date
8 juillet 1994
Amj
19940708
Heure
20:00:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 20 heures
Titre
Les militaires français au Rwanda ne savent plus quoi faire, l'humanitaire fait cruellement défaut
Soustitre
Pour prévenir les critiques du FPR sur la zone de sécurité, les militaires français multiplient les opérations de désarmement tous azimuts.
Taille
35873 octets
Nb. pages
6
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
fr
Résumé
- La guerre au Rwanda : Edouard Balladur se rendra lundi [11 juillet] à New York devant le Conseil de sécurité de l'ONU pour tenter d'accélérer le relais des Casques bleus sur place.
- La situation humanitaire est en effet particulièrement dramatique là-bas : un peu plus de trois millions de Rwandais ont dû fuir leurs villes ou leurs villages. Et ce matin, Alain Juppé a réuni les représentants de 17 ONG pour les sensibiliser.
- Rwanda, 6 millions d'habitants début avril. 500 000 personnes, peut-être plus, ont été massacrées en deux mois. 3 800 000 Rwandais ont été déplacés. Et ceux qui ont eu la chance de survivre ne sont pas au bout de leur peine.
- Tout le monde est d'accord pour dire aujourd'hui que la situation humanitaire est catastrophique dans l'ensemble du pays. Les militaires ne savent plus quoi faire, l'humanitaire fait cruellement défaut. C'est pourquoi Alain Juppé a convoqué dans ses bureaux 17 organisations non gouvernementales. "Allez-y", leur a-t-il dit, "Allez-y vite". Alain Juppé : "Je dois dire qu'au-delà des divergences d'appréciation sur le contexte politique général et sur les principes de l'opération Turquoise, nous avons enregistré des réponses très positives d'une grande disponibilité de ces organisations qui reconnaissent qu'il y a là une priorité absolue".
- Pour faire face à la situation il faudrait qu'ils reçoivent 500 tonnes d'aide alimentaire par jour, soit cinq fois plus qu'à l'heure actuelle. Donner à boire, à manger, lutter contre les épidémies. Il n'y a que les organisations humanitaires qui savent faire, moyennant quelques millions de francs évidemment.
- Jean-Louis Machuron, Pharmaciens sans frontières : "On a tous envie de faire quelque chose. Mais on est tous aussi d'accord sur le fait qu'il faut rassurer les populations et essayer de les remmener d'où elles viennent. C'est pas en créant des grands parcs de réfugiés qu'on arrivera à faire une aide humanitaire d'envergure. D'autre part les ONG n'ont pas des moyens financiers suffisants pour intervenir sur 500 000 voire 1 000 000 million de personnes déplacées".
- La population rwandaise sera sans doute touchée par la famine dans les semaines qui viennent. Les dernières récoltes sont perdues, les suivantes n'ont pas été plantées. Le destin de plusieurs millions de personnes basculera peut-être avec l'aide des militaires mais pas sans les organisations humanitaires.
- Sur le terrain la situation semble relativement figée. Les responsables du Front patriotique à Kigali critiquent toujours le plan des autorités françaises d'instaurer en quelque sorte une zone de protection au sud-ouest du pays. Car pour le FPR cette zone risque de servir de sanctuaire pour un certain nombre de miliciens hutu coupables de massacres. Pour prévenir ces critiques les militaires français multiplient les opérations de désarmement tous azimuts.
- Un gendarme rwandais : "On va voir le bourgmestre de la commune de Mubuga. Il va nous préciser où sont les armes. Ceux qui veulent les posséder dans le cadre de l'autodéfense civile, on va leur donner une attestation de port d'arme. On va régulariser ça".
- Dans cette petite commune de Mubuga aux confins de la zone de sécurité française, la mission du capitaine Hervé et de ses hommes est donc de récupérer les armes, de faire le tri entre gendarmes, militaires des Forces armées rwandaises qui fuient avec les réfugiés, membres de la défense civile. Et puis les autres, tous les autres. Ceux à qui les circonstances et la guerre ont fourni une arme pour leur sécurité ou pour l'insécurité d'autrui. Un militaire français au béret rouge : - "Suite à notre premier passage, le message a été lancé à la population comme quoi on irait rechercher des civils en armes. On leur a demandé de cacher les armes". Ces deux-là n'ont visiblement pas entendu la consigne. Ils se promenaient tranquillement parmi la foule avec leur attirail. Fouille, explications. S'ils veulent récupérer tout ça ils devront aller à Gikongoro s'expliquer à la préfecture.
- Et la moisson continue, de plus en plus fructueuse. Des armes, disent les réfugiés, ont été distribuées en grand nombre avant la prise de Butare. Maintenant Butare est tombée et pour les Français, si l'on veut que cette zone devienne un lieu de sécurité, il est temps de les rendre.
- Benoît Duquesne : "Sans parler d'infiltrations, on peut parler de poussée du FPR. Ce qui est clair visiblement dans le jeu du FPR, c'est que, aussi bien à Kibuye hier soir [7 juillet] qu'ici à l'Est de Gikongoro, on peut voir qu'il s'applique à venir presque lécher les parois de cette zone de sécurité française pour y pousser les populations et pour bien marquer que sa volonté est de garder tout le territoire, à l'exception bien sûr de cette zone. […] D'après les estimations, un million de personnes déplacées affluent vers la zone de sécurité française. Ici, on comprend bien sûr les réticences des organisations humanitaires à s'inscrire dans ce conflit, dans la foulée de l'intervention française. Et en même temps on n'imagine mal de les expliquer aux populations qui, pour l'instant, ont encore un petit peu de quoi survivre parce qu'elles viennent de quitter leurs villages depuis quelques jours. Mais on voit et on sent très bien que la situation d'ici quelque temps va devenir vraiment catastrophique ici".
- Sur le plan politique, l'émissaire spécial de l'ONU à Kigali s'est déclaré aujourd'hui raisonnablement optimiste quant à un cessez-le-feu prochain.
- Depuis hier [7 juillet] l'aéroport est réouvert aux vols humanitaires. Mais chaque jour les habitants découvrent de nouveaux charniers.
- C'était l'une des places fortes des milices gouvernementales : le quartier de Nyamirambo dans la capitale rwandaise est l'un des derniers à être tombé sous l'assaut du FPR. Les combats ont cessé lundi dernier [4 juillet], c'était la fin de la bataille de Kigali.
- Depuis, le Front patriotique a groupé les milliers de survivants dans l'enceinte du collège Saint-André. Ces réfugiés sont essentiellement tutsi mais aussi hutu. Parfois les choses ne sont pas aussi simples qu'on pourrait le croire.
- Le FPR et les survivants font la chasse aux miliciens et aux soldats responsables des massacres d'il y a trois mois. La préoccupation immédiate est de nourrir cette population et de maintenir un minimum d'hygiène. Mais le désir de vengeance est vivace. Un réfugié : "On les signale parce qu'ils sont dangereux ! Ce sont des gens qui ont tué des milliers de personnes. Et quand ils n'ont pas trouvé le moyen de fuir, ils se déguisent en civil et ils viennent ici".
- Ici l'intervention de la France est mal vu. On lui prête des arrière-pensées, on lui reproche d'avoir attisé les haines ethniques.
- Au pied des bâtiments détruits, des cadavres de civils soupçonnés d'avoir fait partie des milices gouvernementales. Les épaves de voitures et de blindés, les monceaux de douilles sont les souvenirs d'une bataille intense. Les massacres ne sont pas effacés, il y a des milliers de cadavres mutilés à la machette. Beaucoup n'ont pas eu droit à une sépulture humaine, pas même la fosse commune.
Commentaire
Le JT de 20 heures de France 2 du 8 juillet 1994 est visible dans son intégralité ici : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cab05083570/f2-le-journal-20h-emission-du-8-juillet-1994