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Mise à jour :
2 août 2023 Anglais

Le plus grand camp de réfugiés tutsi à l'Ouest du Rwanda est désormais sous protection militaire française

Fiche Numéro 31044

Numéro
31044
Auteur
Masure, Bruno
Auteur
Staes, Isabelle
Auteur
Boussié, Laurent
Date
24 juin 1994
Amj
19940624
Heure
20:00:00
Fuseau horaire
CEST
Surtitre
Journal de 20 heures
Titre
Le plus grand camp de réfugiés tutsi à l'Ouest du Rwanda est désormais sous protection militaire française
Soustitre
Kigali a été à nouveau le théâtre la nuit dernière et ce matin de violents combats.
Taille
40746 octets
Nb. pages
8
Source
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Résumé
- Pour l'instant l'opération Turquoise se déroule apparemment sans incident. 8 000 réfugiés environ sont déjà désormais sous la protection des paras français. Dans ce journal, reportage de nos envoyés spéciaux sur place et un point avec notre envoyé spécial à Kigali où le bombardement d'un hôpital a fait sept nouvelles victimes ce matin.
- Au Rwanda quelque 8 000 réfugiés tutsi vivant dans une zone contrôlée par les forces gouvernementales sont donc désormais sous la protection d'un détachement de parachutiste français.
- Un simple pont à la sortie de Bukavu et c'est l'entrée dans le Rwanda. Nous sommes à Cyangugu, première étape de l'opération humanitaire des troupes françaises. Tout au long de la route la population acclame, drapeau bleu-blanc-rouge à la main. Un accueil triomphal dans cette partie du Rwanda, zone gouvernementale. Militaires et milices rwandaises sont de la fête. Elles qui, hier, massacraient sauvagement.
- Isabelle Staes s'adresse à un militaire des FAR : - "Vous êtes accusés d'avoir commis pas mal de massacres dans cette partie du pays du côté des forces gouvernementales". Le militaire lui répond en souriant : - "Non c'est le FPR ! Le FPR, c'est notre ennemi. Il raconte tout ça pour nous mettre en cause". Isabelle Staes : - "Oui mais ce sont les milices de ce côté du Rwanda qui ont commencé les massacres". Le militaire : - "Les milices ? Non, ce sont des mensonges".
- Premier objectif des Français : le camp de Nyarushishi à une dizaine de kilomètres de Cyangugu. Un premier détachement s'y est installé hier [23 juin] afin de protéger 8 à 9 000 réfugiés. Ils sont tutsi, regroupés ici par l'armée gouvernementale et vaguement protégés par la gendarmerie locale.
- Lieutenant-colonel Hervé Charpentier : "On essaie de continuer à vadrouiller pour élargir le dispositif de sécurité à partir des renseignements que veulent bien nous donner les réfugiés, les autorités et tous ceux qui veulent nous parler".
- Le colonel Thibault [Tauzin] a dû expliquer à ces Tutsi d'abord méfiants que ses troupes étaient là pour les protéger. Les militaires patrouillent régulièrement dans ce camp où l'on s'entasse dans des abris de fortune, où l'on souffre de dysenterie et où l'on se sent toujours menacé par les extrémistes hutu.
- Aujourd'hui la Croix-Rouge distribue des bambous pour que chacun se fabrique un abri. C'est elle aussi qui ravitaille et tente de soigner une population traumatisée.
- Le plus grand camp de réfugiés tutsi à l'Ouest du Rwanda est donc désormais sous protection militaire française mais la ligne de front n'est qu'à une centaine de kilomètres d'ici et il reste bien d'autres endroits à protéger. Alors chaque jour les militaires français s'enfoncent un peu plus dans le pays afin d'éviter de nouveaux massacres.
- Dans le centre du pays, la capitale Kigali a été à nouveau le théâtre la nuit dernière et ce matin de violents combats. Manifestement le Front patriotique rwandais accentue sa pression militaire pour chasser les derniers soldats gouvernementaux hors de cette ville.
- Ces images ont été tournées hier [23 juin] à l'hôpital de la Croix-Rouge à Kigali, quelques heures avant qu'un obus ne s'abatte dans la salle d'urgence de cet hôpital, ce matin à 11 h 45, faisant sept morts.
- Pas de victime parmi les 13 expatriés qui travaillent jour et nuit auprès des quelque 650 patients admis dans le bâtiment en dur mais aussi dans des tentes dressées en urgence tout autour. Depuis trois mois maintenant, cet hôpital situé dans un secteur contrôlé par les troupes gouvernementales ne désemplit pas.
- Ici il y a des blessés des deux guerres qui se déroulent au Rwanda : ceux de la guerre conventionnelle entre forces armées gouvernementales et soldats du FPR. Et puis il y a les gens qui sont blessés et massacrés par les milices.
- Dans la seule journée d'hier, 84 blessés ont été amenés dans cet hôpital, où à partir de cette nuit il n'y aura plus de pansements. Ces dernières 48 heures il y a surtout des militaires parmi les blessés, depuis que le Front patriotique du Rwanda a redoublé ses tirs d'artillerie en apprenant le lancement de l'opération Turquoise.
- Dans les hôtels de la ville, toujours des réfugiés que tentent de protéger les Casques bleus dont le général a maintenant établi le contact avec les Français. Roméo Dallaire : "Selon les directives que j'ai reçues, je devrais coopérer et maintenir une liaison avec eux. Et ce sont mes objectifs".
- Des Français qui opèrent loin de Kigali mais dont l'intervention ne facilite pas le travail diplomatique de l'ONU dans la capitale du Rwanda.
- Laurent Boussié : "Les combats qui ont commencé la nuit dernière et qui ont duré toute une partie de la journée ont d'abord été des combats à l'arme lourde avec canons et mortiers. Et puis il y a eu des combats d'infanterie à l'arme légère. Alors on l'a compris, l'hôpital de la Croix-Rouge est pris au milieu de ces combats. Il a lui-même été touché aujourd'hui par un obus. Des combats qui sont en fait une offensive du Front patriotique rwandais, qui nous a affirmé cet après-midi avoir pris depuis 72 heures cinq positions aux soldats gouvernementaux. […] Parallèlement à cette offensive militaire, le FPR a assoupli sa position sur l'intervention française. Cet après-midi, j'ai rencontré un haut responsable du FPR. À la position catégorique affichée il y a quelques jours a succédé un langage plus réaliste avec des phrases comme celle-ci : 'Les Français ont accepté les limitations demandées par l'ONU. Et si les Français restent strictement dans leur mission, il n'y aura pas de problème avec eux. Mais, évidemment, nous jugerons chaque action'".
- Pour l'instant, seuls les Sénégalais se sont engagés militairement dans cette opération. Un premier contingent de 300 hommes, entièrement équipé et armé par la France, devrait rejoindre les soldats français déjà déployés sur place.
- Ils chantent et ils dansent pour se donner du courage. Ces 40 hommes du 22ème bataillon de reconnaissance et d'appui ne sont que l'avant-garde du contingent sénégalais. À terme, ils devraient être 300 à participer à l'opération Turquoise. Habillés, équipés, convoyés par l'armée française mais fiers de représenter dans cette intervention le Sénégal et l'Afrique.
- Des soldats sans état d'âme, c'est normal. Mais sur le plan politique, tout le monde ne voit pas les choses de la même façon : une partie de l'opposition estime qu'il fallait privilégier une solution purement africaine. Ce que redoute vraiment l'opposition, c'est que le gouvernement sénégalais utilise l'affaire rwandaise pour créer un climat d'union nationale dans un pays où la situation sociale et politique reste extrêmement tendue, dans un pays où les dirigeants des deux partis d'opposition les plus importants sont en prison depuis quatre mois.
- Au total cette opération Turquoise prévoit la participation d'environ 2 500 soldats français. Sous l'autorité du général Morillon, toute cette opération est coordonnée à partir du quartier général de la FAR, la Force d'action rapide, installée à Maisons-Laffitte.
- Une pluie d'étoiles sur les épaulettes sous le commandement du général Morillon : voici l'état-major de la FAR, la Force d'action rapide de l'armée française dans son PC opérationnel. La salle, plutôt sensible et confidentielle, où arrivent toutes les informations sur les hommes de l'opération Turquoise, leurs besoins, leurs problèmes, leur assistance. Général Philippe Morillon : "Nous parvenons à assurer la mise en place de ces forces et surtout à rétablir un dispositif d'alerte permanent puisque ce que le chef d'état-major des armées nous demande, c'est d'avoir 2 000 hommes projetables sur préavis de moins de trois jours".
- Pour faire face à cette mission, la FAR peut puiser dans un réservoir de 50 000 hommes répartis sur tout le territoire français. 3 000 d'entre eux ont déjà été expédiés en mission en ex-Yougoslavie. 2 500 aujourd'hui sont donc au Rwanda. Les derniers à partir peaufinent paquetages et moral au point de rassemblement, le parc de la caserne de Maisons-Laffitte. Dans quelques heures, ces derniers hommes de l'opération Turquoise seront arrivés sur le terrain. Leur sécurité dépendra largement de l'assistance que leur fournira le général Morillon et son état-major.
- Six pays européens, la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, se sont déclarés aujourd'hui disposés à apporter une aide logistique ou humanitaire à cette opération Turquoise. L'Italie de son côté est prête à un soutien aux troupes mais sous certaines conditions.
- La France a l'intention d'ajouter le Rwanda aux sujets de conversation du dîner officiel de ce soir. Il semble que Paris ait levé les réticences, les réserves suscitées par son intervention militaire-humanitaire. Elle serait ainsi assurée d'obtenir de tous ses partenaires un soutien moral ou logistique.
- Alain Juppé : "J'ai pu constater aujourd'hui que tous nos partenaires approuvaient l'initiative de la France et, sous des formes diverses étaient prêts à s'y associer sur le plan logistique. Plan logistique, ça veut dire quoi ? Ça veut dire des avions de transport pour nous aider à transporter soit nos troupes soit aussi l'aide humanitaire ! Parce que derrière les soldats français arrivent, dans les régions que nous avons identifiées, l'aide humanitaire de façon massive. Cinq ou six pays européens se sont déclarés disponibles et ceci est en train de se mettre en place".
- Mais seule l'Italie serait prête à envoyer des troupes, jusqu'à 5 000 hommes, à condition que Berlusconi puisse convaincre tout son gouvernement. Une phrase dans le communiqué final du sommet de Corfou devrait refléter ce soutien européen. Ainsi la France devrait se sentir bientôt moins seule au Rwanda.
Commentaire
Le JT de 20 heures de France 2 du 24 juin 1994 est visible dans son intégralité ici : https://www.youtube.com/watch?v=5N1MwIj-tPY