Surtitre
Si le principe de l'intervention est acquis, l'accord n'est pas total entre le Quai d'Orsay, Matignon et l'Elysée.
Résumé
Après que François Mitterrand ait déclaré à la télévision le 10 mai 1994 « Nous ne sommes pas destinés à faire la guerre partout, même lorsque c'est l'horreur qui nous prend au visage », Alain Juppé, en déplacement à Washington, surenchérit le lendemain en répondant à propos du Rwanda : « Je ne crois pas que la communauté internationale puisse aller faire la police partout sur la planète et envoyer, partout où les gens se battent, des forces d'interposition. » Alors que pour Mitterrand la France n'a pas à intervenir, Juppé va plus loin en disant que la communauté internationale n'a pas à intervenir. On devrait donc selon lui laisser massacrer en paix. Cependant, il déclare avant : « C'est vrai qu'on nous reproche de ne pas avoir débarqué en force pour nous interposer entre les combattants. » Dans cette situation qu'il reconnaîtra comme un génocide le 18 mai 1994, parler de « combattants » n'est pas le terme approprié. Les Tutsi du Rwanda n'ont jamais été en guerre contre les Hutu. Ils n'ont pas d'armes et se font exterminer. Si le FPR s'est mis à combattre, c'est pour s'opposer aux massacres déclenchés par l'armée rwandaise et les milices aussitôt après l'attentat contre le président. S'interposer entre le FPR et les tueurs reviendrait à protéger ces derniers. C'est la mission qu'Alain Juppé assignera à l'opération Turquoise sans le dire publiquement. En effet, comme cet article de Jacques Amalric le laisse transparaître, c'est l'avancée des « rebelles » du FPR qui fait sortir Juppé de la « passivité coupable ». Si les massacres l'avaient horrifié, il se serait opposé au retrait des Casques bleus qu'il a prôné et fait voter le 21 avril 1994 au Conseil de sécurité.