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8 mai 2024
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Le colonel Rosier présente les survivants tutsi traqués à Bisesero comme des combattants du FPR

Numéro : 3409
Date : 27 juin 1994
Auteur : Amar, Paul
Titre : Un affrontement aurait opposé des soldats gouvernementaux à des membres du Front patriotique à l'Ouest du pays, à quelques kilomètres à peine des positions françaises
Source : France 2
Fonds d'archives : INA
Résumé : - Au Rwanda, la mission de l'armée française se déroule comme prévu, sans accroc. Mais la situation reste fragile. Un affrontement aurait opposé des soldats gouvernementaux à des membres du Front patriotique à l'Ouest du pays, à quelques kilomètres à peine des positions françaises.
- Benoît Duquesne : "Ces accrochages ont beaucoup surpris les militaires français, dont le colonel Rosier. Il y a donc eu des affrontements en fin de matinée et tout l'après-midi près de la ville de Kibuye, c'est-à-dire là où se trouve un détachement français permanent. À environ cinq kilomètres des Français les plus proches de l'endroit où ont eu lieu ces affrontements entre des gens du FPR infiltrés et puis ce qu'on appelle la défense civile ici. C'est surprenant parce qu'on parlait beaucoup d'infiltrations ici, sans savoir trop si c'était une peur irraisonnée ou si c'était une réalité. Ces accrochages qui ont eu lieu, s'ils sont confirmés parce que pour l'instant les militaires français n'ont eu qu'une confirmation auditive, voudraient dire d'abord que le FPR est infiltré très, très loin en territoire du gouvernement rwandais. Et que sa volonté est de couper en deux ce qu'il reste du Rwanda. C'est un petit peu ce qui inquiète les Français. D'autant qu'ils ne sont pas loin et qu'ils ne savent pas trop ce que pourra être leur attitude au cas où ils auraient à se retrouver face à face avec des gens du FPR".
- Cette information ne peut qu'accentuer la crainte des civils, qu'ils soient Hutu ou Tutsi. Surtout dans les villages où l'armée française ne peut pas se rendre. Ils restent à la merci des incursions de soldats ou de miliciens.
- Lorsqu'on s'enfonce en territoire hutu, les barrages jalonnent les pistes. Les militaires français avaient demandé qu'ils soient retirés, la consigne n'a pas été suivie. Des barrages tenus par des civils hutu : de simples villageois qui s'autorisent ainsi à contrôler les identités. On appelle ça la "défense civile".
- Mieux vaut ne pas être Tutsi. Mais circulent-ils encore dans ce secteur ? Leurs cadavres s'entassaient à ces barrages il y a encore peu de temps. Un milicien : "En fait on doit contrôler pour qu'il n'y ait pas de membres du FPR qui entrent comme ça".
- La peur des rebelles frise parfois l'irrationnel. Un villageois : - "Si c'est un Tutsi mais qui n'est pas un agent du FPR, on le laisse passer". La journaliste : - "Et si c'est un agent du FPR ?". Un autre homme répond : - "On l'achemine quand même à la préfecture, aux autorités compétentes qui sont là pour exécuter ou juger !". La journaliste : - "Exécuter ou juger ?". L'homme : - "Du moins juger. Pas exécuter".
- Dans la paroisse voisine, les Sœurs de Saint-François d'Assise vivent encadrées de militaires. La peur là aussi des rebelles. Dans la paroisse quelques orphelins. Leurs parents furent victimes du FPR. Est-ce à cause des militaires, omniprésents ? Ici en tout cas, on tente de justifier la colère des Hutu. Sœur Theresa : "La colère hutu a débordé maintenant avec la mort du Président. Et pour tout ce qui est arrivé dans les quatre ans. Tout le mal qu'on leur a fait".
- Le rôle de l'armée française consiste précisément à rassurer les populations et à se porter à leur secours. C'est toute la dimension humanitaire qu'il ne faut pas occulter. Les 1 500 hommes arrivés au Zaïre et au Rwanda faisaient état de tension aujourd'hui. Dans les camps de réfugiés tutsi, ils sont pourtant les bienvenus : ils préparent l'arrivée de l'assistance humanitaire qui doit être mise en place demain [28 juin] et permettra de soigner les 8 000 réfugiés de ce camp de Nyarushishi.
- Mais les soldats français ont déjà pénétré de 100 kilomètres à l'intérieur du territoire rwandais et se trouve à 20 kilomètres seulement de la ligne de front. C'est là qu'ils ont rencontré des réfugiés hutu qui ont fui l'avance des soldats du Front patriotique rwandais et nous montrent eux aussi le visage de la détresse.
- La progression vers l'inconnu inquiète les responsables de l'opération Turquoise. Général Raymond Germanos : "Nous ne savons pas exactement ce qui peut se passer d'une vallée à l'autre. Et c'est cela que nous recherchons à savoir pour pouvoir apporter aide et assistance".
- L'inconnu pour les militaires français, c'est peut-être des milices qui ne veulent pas se soumettre et qui sont entraînées pour lutter contre l'avance du Front patriotique rwandais. Il serait facile de les désarmer mais les soldats français ont ordre de ne pas engager le combat.
- Les militaires français ont réussi à évacuer un blessé de la capitale Kigali. Ils l'ont conduit aujourd'hui même à Goma. C'est la première évacuation humanitaire effectuée par des soldats de l'armée française. Mais ces opérations sont périlleuses.
- La pression reste forte en effet autour de Kigali, pression exercée par le Front patriotique qui pilonne chaque jour la ville. La Croix-Rouge elle-même a le plus grand mal à sauver les blessés.
- Quelques coups de canons, quelques rafales de mitrailleuses. Une journée banale à Kigali avec son lot d'horreur, de désespoir. Et pour la première fois depuis longtemps de bonnes nouvelles. L'horreur, c'est cet obus qui est tombé sur les réfugiés de la paroisse de la Sainte-Famille tuant cinq personnes. Le désespoir, c'est celui de ces blessés qui s'entassent par centaines dans l'hôpital de la Croix-Rouge. La bonne nouvelle, c'est l'évacuation pour la première fois depuis plusieurs jours de 45 personnes de l'hôpital du centre-ville, situé en zone gouvernementale, vers l'hôpital King Fayçal situé, lui, en zone FPR. Ces malades auraient dû être évacués hier. Mais à cause des bombardements, ils ont dû passer la nuit dans les camions.
- Militairement la situation se stabilise : les dernières offensives du FPR semblent s'être brisées sur les défenses des soldats gouvernementaux.
- Si la haine s'est réveillée dans ce pays, si des massacres atroces ont eu lieu, c'est parce qu'un attentat s'était produit le 6 avril dernier à Kigali, contre l'avion où se trouvaient les Présidents du Rwanda et du Burundi. Il avait coûté la vie aux deux hommes et aux 10 autres passagers et membres d'équipage, dont des Français.
- Le capitaine Barril, l'ancien commandant du GIGN, affirme détenir la boîte noire de l'avion, donc des informations importantes.
- Le 6 avril dernier, peu après 20 h 30. Alors qu'il s'apprête à atterrir, le Falcon 50 qui ramène le Président rwandais à Kigali est touché par deux roquettes et s'écrase dans l'enceinte même de la résidence présidentielle voisine de l'aéroport. Le Président rwandais, Juvénal Habyarimana et le Président du Burundi qui l'accompagne sont tués dans la catastrophe.
- Une affaire mystérieuse qui rebondit aujourd'hui avec les affirmations d'un homme qui a déjà souvent fait parler de lui : l'ex-capitaine Barril, ancien commandant du GIGN, aujourd'hui conseiller officieux de plusieurs chefs d'État africains.
- Paul Barril qui affirme détenir la boîte noire de l'appareil, dont les autorités avaient jusque-là toujours nié l'existence. L'ancien officier s'est rendu à Kigali à la demande de la famille, aujourd'hui réfugiée en France, afin de conduire toutes les investigations qu'il jugera utile à la manifestation de la vérité sur l'attentat. Agathe Habyarimana : "Vous savez, il y a des enquêtes qui sont en train de se faire. Mais je peux vous dire que tout de suite la population a dit que c'est le FPR. Je peux vous garantir que c'est pas l'armée rwandaise qui a tiré sur le Président. Parce que l'armée rwandaise n'avait pas de missiles".
- Les révélations faites aujourd'hui rappellent en tout cas que près de trois mois après l'attentat, aucune enquête officielle n'a encore été ouverte.
- L'entreprise Dassault Aviation vient de faire une mise au point qui contredit les révélations faites par le capitaine Barril. D'après Dassault Aviation, il n'y a pas de boîte noire dans l'avion de l'ancien Président rwandais, un Falcon 50.
Commentaire : Le JT de 20 heures de France 2 du 27 juin 1994 est visible dans son intégralité ici : https://www.youtube.com/watch?v=YXVPgCdQT5U
Citation: [Paul Amar :] Au Rwanda, la mission de l'armée française se déroule comme prévu, sans accroc. Mais la situation reste fragile. Un affrontement aurait opposé des soldats gouvernementaux à des membres du Front patriotique à l'Ouest du pays, à quelques kilomètres à peine des positions françaises. Nous allons rejoindre en direct l'un de nos envoyés spéciaux, Benoît Duquesne, pour avoir des précisions sur cette information, Benoît. [Benoît Duquesne, en direct de "Bukavu (Zaïre)" :] Oui, bien écoutez, ces accrochages ont beaucoup surpris, euh, les militaires français -- le colonel Rosier ici, euh, qui nous en parlait tout à l'heure. C'est vrai qu'il y a donc eu des affrontements, euh, cet…, en fin de matinée et tout l'après-midi, euh, près de…, près de…, de la ville de Kibuye, c'est-à-dire là où se trouve, euh, un détachement français, euh, permanent. À environ cinq kilomètres des Français les plus…, les plus proches de…, du lieu où ont eu lieu ces affrontements entre des gens du FPR infiltrés et puis, euh, ce qu'on appelle la défense civile ici. Alors c'est surprenant parce que vous savez qu'on parlait beaucoup, euh, d'infiltrations ici, sans savoir trop si c'était une peur irraisonnée ou si c'était une réalité. Eh bien, ces aff…, ces accrochages qui ont eu lieu, s'ils sont confirmés -- parce que pour l'instant les militaires français n'ont eu que ne…, qu'une…, que…, qu'une confirmation auditive si je puis dire puisqu'ils étaient suffisamment proches pour entendre, euh, les coups de feu --, eh bien, ces…, si ces accrochages, s'ils sont confirmés, eh bien, voudraient dire d'abord que le FPR, effectivement, est infiltré…, est infiltré très, très loin en territoire du, euh, gouvernement rwandais. Et qu'ensuite ça confirme aussi, euh, la volonté du FPR de couper ce qu'il reste du…, du Rwanda sous le contrôle des forces gouvernementales, de le couper en deux. C'est un petit peu ce qui inquiète, euh, les Français. D'autant qu'ils ne sont pas loin et qu'ils ne savent pas trop ce que pourra être leur attitude au cas où ils auraient à se retrouver face à face avec des gens du FPR. [Paul Amar :] Merci Benoît. Cette information -- si elle était confirmée -- ne peut qu'accentuer la crainte des civils, qu'ils soient Hutu ou Tutsi. Surtout dans les villages où l'armée française ne peut pas se rendre. Ils restent à la merci des incursions de soldats ou de miliciens. Cette peur, nos envoyés spéciaux Isabelle Staes et Pascal Pons ont pu l'observer en sillonnant une région hutu. [Isabelle Staes :] Lorsqu'on s'enfonce en territoire hutu, les barrages jalonnent les pistes. Les militaires français avaient demandé qu'ils soient retirés, la consigne n'a pas été suivie. Des barrages tenus par des civils hutu [on aperçoit un tronc d'arbre clouté en travers de la piste] : de simples villageois qui s'autorisent ainsi à contrôler les identités. On appelle ça la "défense civile". Ceux-là sont des gendarmes, hutu, qui arrivent de Kigali. Pas de problème [on voit deux personnes juchées sur le chargement d'un véhicule puis on les entend dire "Vive la France !" ; l'un deux fait le "V" de la victoire]. Mieux vaut ne pas être Tutsi [on voit un milicien en civil contrôler les papiers du véhicule]. Mais circulent-ils encore dans ce secteur ? Leurs cadavres s'entassaient à ces barrages il y a encore peu de temps. [Le milicien : "En fait on doit contrôler pour que… il n'y a pas de…, notamment de membres de…, de la FPR [sic] qui entrent comme ça".] La peur des rebelles frise parfois l'irrationnel. Deux kilomètres plus loin, un autre barrage. Nos passeports sont cette fois-ci contrôlés. On nous soupçonne soudain de travailler pour le FPR. [Isabelle Staes s'adresse à un homme assis dans sa voiture mais sa question est inaudible. L'homme lui répond : - "Oui, ils vont…, ici, dans c'est la vallée, là. Ils fuient dans cette vallée, là". Isabelle Staes : - "Ah, d'accord, d'accord. C'est bon, on peut y aller" [la voiture s'arrête dans un village].] Ici on nous assure que le simple citoyen tutsi n'est pas inquiété [on voit des hommes à une barrière]. [Un villageois : - "[Si c'est] un Tutsi mais qui n'est pas un agent du FPR, on le laisse…, il passe [on entend une autre voix masculine acquiescer : "C'est ça oui, on le laisse passer"]". Isabelle Staes : - "Et si c'est un agent du FPR ?". Un autre homme répond : - "On l'achemine quand même à la préfecture, là où les autorités compétentes sont là… pour… exécuter ou juger [sourire] !". Isabelle Staes : - "Exécuter ou juger ?". L'homme : - "Ah, juger ! Du…, du moins juger. Pas exécuter [rire]". Dans la paroisse voisine, les Sœurs de Saint-François d'Assise vivent encadrées de militaires. La peur là aussi des rebelles [on voit deux Sœurs arriver dans un bâtiment ; un panneau posé sur les escaliers indique notamment "Vive la France !"]. Aux côtés de Sœur Theresa, belge, une majorité de Hutu. [Sœur Theresa : "Nous avons eu peur qu'ils allaient venir de Idjwi, de l'île, ici en face. Qu'ils allaient nous attaquer par le lac. Oui on a eu longtemps peur qu'ils allaient attaquer, qu'ils pouvaient surgir… la nuit. Mais maintenant que les Français sont là nous n'avons plus peur. Je ne crois pas que… ils vont se risquer encore maintenant… Je ne pense pas" [on voit un militaire avec un poignard à la ceinture].] Dans la paroisse quelques orphelins. Leurs parents furent victimes du FPR. Est-ce à cause des militaires, omniprésents ? Ici en tout cas, on tente de justifier la colère des Hutu. [Sœur Theresa : "La colère hutu a débordé maintenant avec la mort du Président. Et… pour tout ce qui est arrivé dans les quatre ans. Tout le mal qu'on leur a fait".] À notre demande, on nous présente un groupe de novices tutsi [elles baissent les yeux, ne regardent pas la caméra]. [Isabelle Staes : - "Vous êtes Tutsi ou Hutu ?". Une femme répond : - "Euh…, non [elle et ses camarades rient]". Isabelle Staes insiste : - "Vous êtes Tutsi ?". Réponse : - "Non [elles étouffent un rire et reculent]".] En territoire hutu, même dans une paroisse, on n'ose plus dire que l'on est Tutsi. [Paul Amar :] Le rôle de l'armée française consiste précisément à rassurer les populations et à se porter à leur secours. C'est toute la dimension humanitaire qu'il ne faut pas occulter. Philippe Rochot. [Philippe Rochot :] Cet accueil amical réservé aux soldats français est trompeur [on voit des jeeps françaises arriver dans un village sous la clameur des habitants]. Les 1 500 hommes arrivés au Zaïre et au Rwanda faisaient état de tension aujourd'hui [une incrustation "Bukavu (Zaïre)" s'affiche à l'écran]. Dans les camps de réfugiés tutsi, ils sont pourtant les bienvenus : ils préparent l'arrivée de l'assistance humanitaire qui doit être mise en place demain [28 juin] [on voit un hélicoptère Puma atterrir dans un camp] et permettra de soigner les 8 000 réfugiés de ce camp de Narushishi [Nyarushishi] [gros plans sur des mourants]. Mais les soldats français ont déjà pénétré de 100 kilomètres à l'intérieur du territoire rwandais et se trouvent à 20 kilomètres seulement de la ligne de front [diffusion d'une carte du Rwanda avec trois flèches vers le Nord-Est indiquant une progression depuis Goma, Kibuye et Cyangugu ; celle de Kibuye pointe vers Kigali]. C'est là qu'ils ont rencontré ces réfugiés hutu qui ont fui l'avance des soldats du Front patriotique rwandais et nous montrent eux aussi le visage de la détresse [on voit un militaire français au béret noir parmi les réfugiés]. [Le militaire français : - "Et la population donne ou c'est difficile ?". Le réfugié : - "Ils essaient de donner". Le militaire : - "Ouais". Le réfugié : - "À part que…, eux…, eux aussi n'ont pas à manger". Le militaire : - "La population non plus n'a pas à manger ?". Réponse : - "Oui, oui. Ils sont pauvres".] Dans cette région les Hutu préparent eux aussi un accueil amical aux Français mais la progression vers l'inconnu inquiète les responsables de l'opération Turquoise. [Général Raymond Germanos lors d'un point de presse : "Nous ne savons pas exactement, euh, ce qui peut se passer d'une vallée à l'autre. Et c'est cela que nous recherchons à savoir pour pouvoir apporter aide et assistance".] L'inconnu pour les militaires français c'est peut-être ça : des milices qui ne veulent pas se soumettre et qui sont entraînées pour lutter contre l'avance du Front patriotique rwandais. Il serait facile de les désarmer mais les soldats français ont ordre de ne pas engager le combat [on voit de jeunes miliciens en train de suivre un entraînement militaire (la plupart sont équipés de fusils en bois) ; le plan suivant les montre en train de courir en criant des slogans]. [Paul Amar :] Précisément les militaires, euh, français ont réussi à évacuer un blessé de la capitale, euh, Kigali [on les voit débarquer d'une voiture civile un blessé sur un brancard]. Ils l'ont conduit aujourd'hui même, euh, à Goma [on voit les militaires monter le brancard dans un hélicoptère Puma]. C'est la première, euh, évacuation humanitaire effectuée par, euh…, des soldats de l'armée française. Mais ces opérations sont périlleuses. La pression reste forte en effet autour de Kigali, pression exercée, euh, par le Front patriotique qui pilonne chaque jour la ville. La Croix-Rouge elle-même a le plus grand mal à sauver les blessés. Je vous propose de retrouver l'un de nos envoyés spéciaux au Rwanda, à Kigali précisément, Laurent Boussié. [Par téléphone, Laurent Boussié :] Quelques coups de canons, quelques rafales de mitrailleuses. Une journée banale à Kigali avec son lot d'horreur, de désespoir. Et pour la première fois depuis longtemps de bonnes nouvelles. L'horreur, c'est cet obus qui est tombé sur les réfugiés de la paroisse des Sainte-Famille tuant cinq personnes [on voit le toit du bâtiment complètement détruit puis des personnes gisant sur leur brancard]. Le désespoir, c'est celui de ces blessés qui s'entassent par centaines dans l'hôpital de la Croix-Rouge [diffusion d'images de gens blessés]. La bonne nouvelle, c'est l'évacuation pour la première fois depuis plusieurs jours de 45 personnes -- en majorité des femmes et des enfants gravement blessés [on voit un minibus passer devant la caméra avec un drapeau français collé sur son parebrise] -- de l'hôpital du centre-ville, situé en zone gouvernementale, vers l'hôpital King Fayçal situé, lui, en zone FPR. Ces malades auraient dû être évacués hier. Mais à cause des bombardements, ils ont dû passer la nuit dans les camions [on voit des gens souffrants entassés dans un camion]. Militairement la situation se stabilise : les dernières offensives du FPR semblent s'être brisées sur les défenses des soldats gouvernementaux. [Paul Amar :] Si la haine s'est réveillée dans ce pays, si des massacres, euh, atroces ont eu lieu, c'est parce qu'un attentat s'était produit le 6 avril dernier à Kigali, contre l'avion où se trouvaient les Présidents du Rwanda et du Burundi. Il avait coûté la vie aux deux hommes et aux 10 autres passagers et membres d'équipage, dont des Français. Le capitaine Barril, l'ancien commandant du GIGN, affirme détenir la boîte noire de l'avion, donc des informations importantes. Il l'a confié au journal Le Monde puis à l'Agence France-Presse. Écoutons pour bien comprendre les explications de Carole Caumont. [Carole Caumont :] Le 6 avril dernier, peu après 20 h 30 [une incrustation "6 avril 1994" s'affiche à l'écran]. Alors qu'il s'apprête à atterrir, le Falcon 50 qui ramène le Président rwandais à Kigali est touché par deux roquettes… et s'écrase dans l'enceinte même de la résidence présidentielle voisine de l'aéroport [diffusion d'images de l'épave de l'avion]. Le Président rwandais, Juvénal Habyarimana, ici à gauche, et le Président du Burundi qui l'accompagne sont tués dans la catastrophe [diffusion des portraits de Juvénal Habyarimana et de Cyprien Ntaryamira]. Une affaire mystérieuse qui rebondit aujourd'hui avec les affirmations d'un homme qui a déjà souvent fait parler de lui [diffusion de la Une du journal Le Monde et notamment d'un article intitulé "Rwanda : l'énigme de la boîte noire"] : l'ex-capitaine Barril, ancien commandant du GIGN, aujourd'hui conseiller officieux de plusieurs chefs d'État africains. Paul Barril qui affirme détenir la boîte noire de l'appareil, dont les autorités avaient jusque-là toujours nié l'existence. L'ancien officier [inaudible] emparé à Kigali où il s'est rendu à la demande de la famille, aujourd'hui réfugiée en France, afin de conduire toutes les investigations qu'il jugera utile à la manifestation de la vérité sur l'attentat [zoom sur des passages de l'article précité du journal Le Monde]. [Agathe Habyarimana, "Veuve du PDT Rwandais" [une incrustation "26 avril 1994" s'affiche à l'écran] : "Vous savez, il…, il y a des enquêtes qui sont en train de se faire. Mais je peux vous dire que tout de suite les…, la…, la population a dit que c'est le FPR. Mais, euh, comme moi j'ai quitté le pays sans savoir ce que…, euh…, les gens disaient, je peux vous garantir que… c'est pas l'armée rwandaise qui a tiré sur le Président. Parce que l'armée rwandaise n'avait pas de missiles".] Les révélations faites aujourd'hui rappellent en tout cas que près de trois mois après l'attentat, aucune enquête officielle n'a encore été ouverte [diffusion d'images de l'aile du Falcon abattu et de la villa présentielle]. [Paul Amar :] L'entreprise, euh, Dassault Aviation vient de faire une mise au point qui contredit les révélations faites par le capitaine Barril. D'après Dassault Aviation, il n'y a pas de boîte noire dans l'avion de l'ancien Président rwandais, un Falcon 50.

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