Auditionné par la Mission d'information parlementaire, Jean-Michel Marlaud, ambassadeur de France au Rwanda en 1994, déclare (page 10) que plusieurs ministres rwandais sont arrivés dans son ambassade le 8 avril 1994 et qu'ils y ont tenu une réunion pour discuter du remplacement des ministres disparus et choisir un nouveau Premier ministre. Ils ont refusé de nommer à ce poste Faustin Twagiramungu qui avait pourtant été désigné par les accords d'Arusha. Cf.
Accord de paix d'Arusha, 4 août 1993, article 6. L'ambassadeur prétend que les participants à cette réunion ont réaffirmé leur attachement à ces accords, alors qu'ils leur tournaient le dos en refusant le poste de Premier ministre à Twagiramungu et en gardant pour le MRND (l'ancien parti unique d'Habyarimana) les cinq portefeuilles ministériels qui étaient destinés au FPR. Cf.
Accord sur le partage du pouvoir, 9 janvier 1993, articles 55-56. Ce gouvernement devait être mis en place dans les 37 jours suivant la signature de l'accord, le 3 août 1993. Cf. Accord de paix d'Arusha, 4 août 1993, article 7. L'ambassadeur Marlaud prétend aussi que l'objectif des ministres était d'arrêter les massacres. Or, avec l'attaché de défense, Jean-Jacques Maurin, il a contacté la veille le colonel Bagosora qui a été reconnu par le TPIR comme l'organisateur de ces massacres. Le gouvernement qui a orchestré les massacres après le 8 avril a été formé sous l'égide de Bagosora au ministère de la Défense et de Marlaud à l'ambassade de France. Marlaud trahit son rôle dans la formation de ce gouvernement quand il écrit à Paris : «
Les dirigeants rwandais sont inconscients de la situation sur le terrain et raisonnent comme s'ils avaient beaucoup de temps » (page 11). Il est clair que la seule solution politique envisagée par les auteurs du coup d'État était la prise de pouvoir par des militaires groupés autour du colonel Bagosora. Ce faisant, ils se seraient désignés comme les auteurs de l'attentat contre Habyarimana. Par conséquent, le Conseil de sécurité des Nations unies aurait dénoncé un coup d'État. C'est l'ambassadeur Marlaud qui leur sauve la mise. Il convainc Bagosora de former avec lui un gouvernement civil. Ce qu'ils font en une seule journée, le 8 avril 1994, alors que les militaires et les miliciens massacrent les Tutsi, traquent les partisans des accords de paix et font régner la terreur dans Kigali. Ce gouvernement est présenté par la France comme un gouvernement légal alors qu'il est constitué en violation des accords d'Arusha. Sans l'intervention de l'ambassadeur Marlaud et de la diplomatie française dirigée par Alain Juppé, le Conseil de sécurité n'aurait pas reconnu ce gouvernement et le siège du Rwanda dans ce même conseil serait devenu vacant. L'action du Conseil de sécurité des Nations unies n'aurait pas été paralysée par la présence en son sein du représentant d'un gouvernement qui organisait un génocide.