Numéro : 157
Date : 2 avril 1993
Auteur : Denoix de Saint Marc, Renaud
Titre : Conseil restreint
Source : Présidence de la République (France)
Fonds d'archives : FM
Résumé : Lors de ce conseil restreint, le ministre de la Défense François Léotard considère que la situation est d'une grande gravité et d'une grande urgence dans la mesure où le FPR est en progression vers Kigali et avance avec des troupes en civil.
Commentaire : Fin février 1993, bombardé par les canons français, le FPR stoppe son offensive, décrète un cessez-le-feu, puis reprend les négociations de paix à Arusha. Au premier conseil restreint du gouvernement de cohabitation, suite à la défaite de la gauche aux élections législatives des 21 et 28 mars 1993, François Léotard, ministre de la Défense, déclare : « La situation est d'une grande gravité et d'une grande urgence. Le FPR est en progression vers Kigali. Il avance avec des troupes en civil ». Cette offensive est une invention du ministre Léotard ou bien elle lui a été suggérée par le renseignement militaire (la DRM), qui aurait voulu tester le nouveau gouvernement de droite. En effet au même conseil, l'amiral Lanxade, chef d'état-major des armées, dit plus prudemment : « Nous devons envisager une offensive du FPR dans le courant de la semaine prochaine ». Parlant de troupes du FPR en civil, le ministre Léotard a fait sienne la définition de l'ennemi identifié au Tutsi, armé ou non. Il demande un renforcement de 1.200 hommes. Balladur : « Nos forces sont trop faibles […] Nous pouvons mettre un millier d'hommes en plus ». Ces 1 200 hommes ont-ils été réellement envoyés au Rwanda ? Nous n'en voyons pas de trace. Mais l'aide au régime d'Habyarimana devient de plus en plus secrète. Ce compte rendu de conseil restreint met à mal la théorie du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé selon laquelle il aurait infléchi la politique de la France au Rwanda en faveur d'une solution négociée et d'un recours à l'ONU.
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HUBERT VEDRINE
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CONSEIL RESTREINT DU VENDREDI 2 AVRIL 1993
SUR LE RWANDA
… : PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE — PREMIER MINISTRE —
MR JUPPE — MR LEOTARD — MR ROUSSIN — MR VEDRINE — GENERAL QUESNDT
MR DELAYE — MR BOIDEVAIX — AMIRAL LANXADE — GENERAL RANNOU —
CONTRE-AMIRAL LECOINTRE — MR FOUGIER.
fifiÇRfiIABIÀI : MR DENOIX de SAINT MARC — GENERAL HUCHON.
Commençons par la situation militaire.
La situation est d‘une grande gravité et d’une grande
urgence. Le FPR est en progression vers KIGALI. Il avance avec des
troupes en civil. Sur place, il y a 600 ressortissants français et
1500 d'autres nationalités.
Nous avons déjà retiré deux compagnies et il nous reste
300 hommes environ face à une progression de plusieurs milliers
d'hommes qui viennent du Nord.
La situation est redoutable.
Si nous devions. rester, il faudrait envisager un
renforcement qui pourrait aller jusqu'à 1200 hommes.
Il est difficile de rester dans le statu quo actuel.
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Monsieur le Chef d'Etathajor des Armées ?
F ' — R D ' E
Je confirme en effet que le FPR n'applique pas les
accords de cessez-le—feu et continue de se déployer. Il y a des
mouvements d'hommes et de matériels en provenance d'OUGANDA. Ceci
demeure possible car il n'y a pas d'observateurs sur la frontière
rwando-ougandaise.
Nous allons vers une rupture à ARUSHA due à une
surenchère du FPR.—
“Nous devons envisager une offensive FPR dans le courant
de la semaine prochaine.
Il ne nous reste que deux compagnies sur place et il y a
plusieurs centaines de milliers de réfugiés aux portes de KIGALI.
L'alternative est soit d'évacuer nos ressortissants et
nos compagnies, soit de s'opposer à la prise de KIGALI, mais alors
il faut envisager de recourir à l'action directe de nos forces.
La situation est difficile. Il y a des risques de
massacres si nous partons et un risque de défiance africaine
vis-à—vis de la France. Mais, par contre, si nous renforçons nous
nous enfonçons dans ce dossier.
Nous ne pouvons pas partir.
- Mais il faut intensifier notre action diplomatique et nos
pressions vis—à—vis du FPR, notamment notre action à l‘ONU bien
que ce soit difficile.
Même si nous effectuons le renforcement, lançons notre
action diplomatique.
La menace des Nations Unies a été utilisée pour
stabiliser la situation. MUSEVENI ne souhaite pas s‘exposer à une
condamnation internationale.
Les Nations Unies peuvent faire beaucoup sur le plan
psychologique, même si leur action sur le terrain n'est pas
immédiate.
LA N .
J‘ai les mêmes informations que les autres ministères. Je
souhaite être présent sur ce dossier. Nous allons être amenés à
recompléter les matériels, les munitions. Nous avons déjà beaucoup
de dettes vis—à—vis du Ministère de la Défense. Mais le Ministère
de la Coopération doit participer plus activement à ce dossier.
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Cela se passera sûrement comme cela car cela dépend de
Monsieur le Premier Ministre. Monsieur le Premier Ministre ?
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Le statu quo n'est pas tenable. Nos forces sont trop
faibles. Nous devons être davantage présents. Compte tenu des
effectifs disponibles nous pouvons mettre un millier de plus, mais
il faut savoir combien de temps nous pouvons tenir.
Il faut apporter des moyens supplémentaires à nos forces.
L'objectif est de trouver une solution durable.
…
Nous avons des accords de coopération avec de nombreux
pays. Ils datent de longtemps, bien avant mon élection.
La règle est qu'il n'y a intervention française que s'il
y a agression extérieure et non pas s' il y a un conflit tribal.
Ici c'est mélangé, car il y a le problème tutsi. Le
Président MUSEVENI est lui même apparenté tutsi.
_ ' On doit faire comme vous l' avez souhaité, Monsieur le
Premier Ministre.
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