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Mise à jour :
2 août 2023 Anglais

Intervenir au Rwanda

Fiche Numéro 779

Numéro
779
Auteur
Juppé, Alain
Date
16 juin 1994
Amj
19940616
Surtitre
Point de vue
Titre
Intervenir au Rwanda
Taille
105732 octets
Nb. pages
3
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Résumé
Selon Alain Juppé, « La France n'aura aucune complaisance à l'égard des assassins ou de leurs commanditaires. La France, seul pays occidental représenté au niveau ministériel à la session extraordinaire de la Commission des droits de l'homme à Genève, exige que les responsables de ces génocides soient jugés ».
Commentaire
Au lendemain du conseil restreint où François Mitterrand a décidé, en accord avec le gouvernement, de lancer une opération militaire au Rwanda, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, publie dans Libération une tribune où apparaît la duplicité de cette opération. Écrire que la France « exige que tous les responsables de ces génocides soient jugés », c'est signifier la volonté de faire justice, mais parler des « responsables de ces génocides » signifie que, pour la France, plusieurs génocides sont en cours et donc que le FPR est en train de massacrer les Hutu. Cette allégation n'a jamais été prouvée, alors que le génocide des Tutsi a été reconnu. Alain Juppé ne fait que reprendre l'accusation des militaires français, tel l'amiral Lanxade, qui disait en Conseil restreint le 13 avril 1994 que « maintenant ce sont les Tutsi qui massacreront les Hutu dans Kigali ». La conséquence de ces propos est que l'opération militaire en préparation, prétendument humanitaire, vise à soutenir les Hutu et à combattre le FPR, qui, selon les vues de Juppé, se livre à « une lutte sans merci pour le pouvoir » et « a choisi la victoire totale et sans concession ». De l'autre côté, il épargne le gouvernement rwandais et son armée, n'accusant que les milices pour le génocide des Tutsi. Il ne tolère aucun soupçon contre la diplomatie française et prétend que « la France n'a jamais soutenu une ethnie rwandaise contre une autre », ce qui est contredit par les notes des chefs d'état-major particulier, l'amiral Lanxade puis le général Quesnot, à François Mitterrand où ils assimilent les Tutsi à l'ennemi. Comble de cynisme, Juppé avance que « nous soutenons au contraire les modérés qui, malgré les persécutions dont ils ont fait l'objet, ont survécu ». En réalité, la France les a abandonnés aux tueurs hutu dont elle a toujours soutenu les leaders. Ainsi, Agathe Uwilingiyimana, Premier ministre, a été assassinée à quelques centaines de mètres de l'ambassade de France sans que l'ambassadeur Jean-Michel Marlaud lui offre sa protection. L'ancien ministre des Affaires étrangères, Boniface Ngulinzira, négociateur des accords de paix, a été massacré après s'être vu refuser d'être évacué par les militaires français de l'opération Amaryllis agissant sur ordre de Marlaud. Celui-ci, que Juppé dit mandaté par lui, a participé à la formation du gouvernement en violation des accords de paix d'Arusha que Juppé présente comme seule base de règlement politique. Ce point de vue est en complète contradiction avec celui que le même Juppé a exprimé oralement devant l'Assemblée nationale le 18 mai 1994. Le refus en juillet 1994 d'arrêter les responsables des massacres montre que ces appels de Juppé à la justice n'étaient que des paroles pour couvrir une opération militaire destinée à empêcher le FPR d'atteindre ses objectifs de poursuite des assassins.