Numéro : 17
Date : 20 juin 1991
Auteur : Quesnot, Christian
Titre : Note à l'attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Rwanda - Point de situation
Source : Présidence de la République (France)
Fonds d'archives : FM
Résumé : Pour le général Quesnot, la présence permanente de la compagnie française à Kigali ne se justifie plus militairement. Par contre, si les autorités rwandaises le demandent, le maintien du DAMI demeure souhaitable pour quelque temps. Mais Mitterrand refuse : « Non, ne pas encore retirer nos troupes. M'en parler ».
Commentaire : Alors que François Mitterrand avait déclaré que les troupes françaises n'avaient été envoyées au Rwanda que pour protéger nos ressortissants, par deux fois, en janvier et en avril 1991, son chef d'état-major particulier lui a suggéré de retirer ces troupes, mais le Président s'y est opposé. À nouveau, ce 20 juin, le général Quesnot l'incite à retirer une compagnie en laissant le DAMI. Mais Mitterrand refuse comme le montre sa note manuscrite. Ce document prouve que Mitterrand reste le maître de la politique au Rwanda et qu'il ne se laisse pas dicter ses décisions par ses conseillers, fussent-ils militaires. Ces troupes ne seront retirées en exécution des accords de paix d'Arusha que vers le 15 décembre 1993, au moins officiellement. Ce retrait pour laisser la place aux Casques bleus, dont des Belges, sera vécu comme un nouveau Dien-Bien-Phu par certains hauts gradés français.
Citation: à l'attention de Monsieur le Président de la République
(sous—couvert de Monsieur le Secrétaire Général)
OBJET : RWANDA - Point de situation.
La situation est calme dans l'ensemble du
RWANDA excepté dans la zone frontalière Nord, où les
incursions des rebelles ougando-tutsis se poursuivent à
partir de leurs bases ougandaises.
Le Président ougandais MUSEVENI a fait
expulser le détachement d'observateurs rwandais qui
participait, côté ougandais, au contrôle de la frontière
depuis décembre 1990..
La promulgation d'une nouvelle constitution
plus démocratique et l'avènement du multipartisme créent
une, fébrilité nouvelle dans les milieux politiques.
L'union constatée jusqu'à présent face à l'agression
extérieure s'affaiblit peu à peu, dès lors que la menace
d'une offensive victorieuse des rebelles vers KIGALI
devient moins crédible avec l'amélioration des qualités
opérationnelles de l'Armée rwandaise.
Dans ce contexte la question se pose du
maintien au RWANDA des éléments militaires français mis
en place pendant les évènements :
- la compagnie de KIGALI (160 hommes),
- le détachement d'assistance militaire et
d'instruction (DAMI 30 hommes).
Il est difficile d'envisager le retrait
simultané des deux éléments et il est probable que le
Président HABYARIMANA souhaitera le maintien de la
totalité du dispositif.
J'estime toutefois, en accord avec les
Ministères des Affaires Etrangères, de la Défense et vos
conseillers pour l'Afrique que la présence permanente de
la Compagnie française à KIGALI ne se justifie plus
militairement. Notre dispositif en Afrique centrale
permet, en cas de nécessité, de ramener un tel volume de
forces sur préavis d'une dizaine d'heures. Toutefois le
retrait de la compagnie risque d'être interprété comme un
désengagement de. la FRANCE et ne devrait intervenir
qu'après en avoir expliqué les raisons au Président
rwandais.
Par contre, si les autorités rwandaises le
demandent, le maintien du DAMI, demeure souhaitable pour
quelque temps. Il est certain, qu’outre l'aide apportée à
l'instruction des forces rwandaises, la présence de ces
conseillers, notamment dans le Nord Ouest à RUHENGERI,
apporte à nos ressortissants une sécurité
particulièrement recherchée. Le départ de la Compagnie
française de KIGALI ne peut qu'accentuer cet aspect.
Le Ministère des Affaires Etrangères
envisage d'effectuer une mission à KIGALI début juillet.
Je souhaiterais pouvoir faire connaître vos directives
sur l'évolution de notre dispositif militaire dans ce
pays.
prv“
Général QUESNOT
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