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9 avril 2024
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« Après […] le retrait de nos troupes, le Président Habyarimana ne devrait pas pouvoir rester à la tête de l'Etat »

Numéro : 461
Date : 23 février 1993
Auteur : Quesnot, Christian
Titre : Note à l'attention de Monsieur le Président de la République. A/s Conseil restreint sur le Rwanda
Source : Présidence de la République (France)
Fonds d'archives : FM
Résumé : Dans cette note au Président Mitterrand, le général Quesnot et Dominique Pin annoncent que le FPR est sur le point d'obtenir une victoire politico-militaire au Rwanda. Ils proposent une intervention militaire forte en soutien à l'armée rwandaise, accompagnée d'une action diplomatique ferme.
Commentaire : Le général Quesnot, chef d'état-major particulier du président Mitterrand, lui annonce que le FPR est sur le point d'emporter une victoire « politico-militaire ». Pour l'empêcher, il lui propose plusieurs options dont le retrait ou l'intervention directe dans les combats. Après un retrait de nos troupes, estime-t-il, « le Président Habyarimana ne devrait pas pouvoir rester à la tête de l'Etat ». Par ce constat, le conseiller militaire de Mitterrand reconnaît que le régime d'Habyarimana ne tient que grâce à l'intervention des forces françaises. C'est ce qui se passe une nouvelle fois en février-mars 1993. Dans son analyse, le général Quesnot fait encore une fois l'amalgame entre les Tutsi et le FPR. Il est parfaitement informé du génocide en préparation du côté hutu, écrivant : « La victoire de l'ethnie tutsie qui dirige le FPR amènerait sans aucun doute un sursaut ethnique hutu dont les conséquences pourraient être dramatiques ». La stratégie de dissuasion par la force de frappe des machettes a eu en effet des conséquences dramatiques que connaissait le chef du PC Jupiter, outil de déclenchement à l'Élysée de la force nucléaire française.
Citation: PRÉSIDENCE : DE LA RÉPUBLIQUE Paris, le 23 février 1993 Le General Chef de l'Etat-Major Particulier NOTE à l'attention de Monsieur le Président de la République (S/c de Monsieur le Secrétaire RAT A/S — CONSEIL RESTREINT SUR LE RWANDA Mercredi 24 Février 1993 Le Front Patriotique Rwandais (FPR), avec l'aide du Président ougandais MUSEVENI, est sur le point d'obtenir une victoire politico-militaire au RWANDA. Un cessez-le-feu a été accepté officiellement tant par le gouvernement rwandais que par le FPR mais sur le terrain les combats continuent. La victoire de l'ethnie tutsi qui dirige le FPR amènerait sans aucun doute un sursaut ethnique hutu dont les conséquences pourraient être dramatiques. Déjà dans les zones occupées par les rebelles de nombreuses exécutions de civils auraient été commises. Le RWANDA compte aujourd'hui près de 600.000 personnes déplacées à cause des combats. Cependant, face à la détermination et à la puissance du FPR soutenu par l'OUGANDA, notre stratégie indirecte d'appui aux forces armées rwandaises n'apparaît plus suffisante. Cette situation nous place devant des choix difficiles. | OPTIONS : I - Dans le domaine militaire 4 types d'action sont envisageables : 1) - partir. Après l'évacuation de nos ressortissants et le retrait de nos troupes, le Président HABYARIMANA ne devrait pas pouvoir rester à la tête de l'Etat. Notre départ serait interprété comme l'échec de notre politique au RWANDA. On pourrait assister à la constitution d'un axe tutsi KAMPALA - KIGALI - BUJUMBURA. 2) - maintenir Le dispositif au niveau actuel et attendre. Cela permettrait de retarder l'évacuation de nos ressortissants sous réserve que le FPR ne décide pas de pénétrer militairement dans KIGALI. C'est un choix qui maintient une certaine ambiguité sur notre détermination, ambiguité qui peut paraître temporairement souhaitable. 3) — intervenir fortement en soutien à l'armée rwandaise. Il s'agit de renverser le rapport de force en accentuant notre aide à l'armée rwandaise par un apport logistique puissant et une implication de conseillers et d'artillerie à hauteur de notre détermination. Nous serions présents et actifs dans les zones d'opérations, mais nous ne participerions pas directement aux combats. 4) — intervenir fortement et directement avec nos forces. Ce choix, techniquement possible, ne peut être envisagé que si NOUS avons des preuves irréfutables d'une intervention militaire ougandaise directe, ce qui n'est pas le cas actuellement. II - Sur le plan diplomatique : Notre action pourrait s'inscrire dans la continuité : 1) - Soutien au processus démocratique en cours et relance des négociations d'Arusha. La prise de conscience toute récente du Premier Ministre et des hutus du Sud, des risques qu'ils courent à soutenir le FPR pourrait être mise à profit pour rapprocher le Chef de l'Etat et le Chef de Gouvernement. et les inciter à collaborer jusqu'aux élections. 2) — Appui à l'action diplomatique rwandaise aux Nations-Unies. Le Gouvernement de KIGALI vient d'écrire au Secrétaire Général des Nations-Unies pour lui demander le déploiement d'observateurs le long de la frontière entre l'OUGANDA et le RWANDA. Le Président MUSEVENT nous a donné son accord sur ce point. Nous soutenons cette initiative. Il serait utile également d'obtenir l'appui des Présidents HOUPHOUET-BOIGNY, Abdou DIOUF et BONGO à notre politique au RWANDA. 3) — Fermeté et réalisme vis-à-vis du Président MUSEVENI en le laissant dans l'incertitude sur le rôle ultime de nos forces. S'il donnait des gages concrets de bonne volonté, une réunion quadripartite en marge d'Arusha pourrait, comme il le souhaite, être envisagée (Ouganda, France, FPR, Rwanda). 4) - Intervention auprès de l'O.U.A. Après le cessez-le-feu les troupes du FPR doivent revenir sur leurs lignes antérieures. Les zones évacuées pourraient être contrôlées par les observateurs internationaux, le Gouvernement rwandais étant d'accord pour ne pas les réoccuper militairement. —000- Nous restons partisans, sur le plan militaire, de la solution 3 accompagnée d'une action diplomatique ferme. Dominique PIN. Général QUESNOT

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